Chères et chers étudiant·es, chères et chers collègues,
Comme vous le savez, notre campus est traversé par la crise qui agite une bonne partie des universités à travers la planète.
Face au conflit terrible qui se déroule depuis le 7 octobre 2023, difficile de rester insensibles : les morts se succèdent et personne n’est indifférent à la souffrance des civils, quelle que soit leur nationalité, leur religion ou leur culture. Si vous êtes vous-mêmes touchés, si l’un·e de vos proches a eu à subir les effets de cette crise, nous vous exprimons toute notre compassion.
Sur le campus, nous nous sommes rapidement mobilisés pour apporter du réconfort aux personnes affectées : démarches proactives auprès des communautés israélienne et palestinienne, rencontre avec toutes celles et ceux qui nous en font la demande, mise en place de soutien laïc de la part des aumôniers du campus, mise à disposition d’une cellule ad hoc, etc.
L’EPFL, avec sa communauté de plus de 120 nationalités, est un terrain particulièrement sensible lorsqu’éclate une crise aussi aiguë. Pour maintenir le bien-être de cette communauté dont vous faites partie et l’équilibre entre les confessions, les origines, les cultures de toutes celles et ceux qui la composent, nous nous imposons une ligne directrice : nous nous abstenons de toute prise de position politique au nom de l’institution.
Notre priorité, en lien avec nos missions, est de venir en aide à celles et ceux qui en expriment le besoin. Cela passe dans un premier temps par l’expression de notre empathie : celle-ci nécessite doigté et équilibre. Nos mots sont pesés et encadrés par la lecture que fait la Confédération helvétique de la situation. Dans le cas présent de la crise à Gaza, on nous a reproché d’être partisans et de pencher pour un camp ou un autre. Nous avons écouté les étudiant·es et avons mis à jour récemment cette position, qui souligne notre soutien aux personnes affectées et exprime notre empathie. Certaines voix ont aussi pointé la différence de traitement entre cette crise et la guerre en Ukraine.
Nous tentons également de guider celles et ceux qui veulent organiser des événements sur le campus, avec cette même ligne : leurs conférences, débats, manifestations doivent s’adresser à toutes et tous et offrir un environnement accueillant toutes les opinions. Si l’événement traite de politique, qu’il soit non partisan. C’est à ces conditions que nous mettons à disposition des salles, de l’équipement, nos équipes logistiques, des espaces d’affichage, etc.
Les événements de ces derniers jours ont malheureusement montré que cela n'avait pas suffi. Environ 80 personnes – dont une partie issue de la communauté EPFL – ont voulu occuper le bâtiment SG, le 7 mai. Notre position a été très claire : oui au dialogue, mais non à l’exploitation d’un espace à des fins d’activisme. Quelle que soit la cause, lorsque des activités ne relèvent pas de nos missions (éducation, recherche, innovation) et ne répondent pas aux critères minimaux d’un débat encadré par les valeurs académiques de dialogue et d’ouverture, nous n’entrons pas en matière. Nous avons poursuivi les échanges le lendemain de cette occupation dans un cadre adéquat avec certains des occupants et tenons à jour une page donnant les dernières informations à ce sujet.
Malgré des désaccords profonds – notamment concernant un boycott des universités israéliennes sur lequel nous n’entrons pas en matière – nous avons pu nouer une discussion que nous estimions constructive. Toutefois, refusant le mode de discussion instauré et négligeant le contenu de nos échanges la semaine passée, la même « coordination étudiante pour la Palestine » (qui n’est pas une association de l’EPFL) a à nouveau voulu occuper le même espace le 16 mai et nous avons réitéré notre position, celle-là même qui est expliquée ici.
Malheureusement, cet événement s’est déroulé dans un climat tendu. La dégradation de la situation en cours d’occupation, un début de bagarre dans un bâtiment du campus lié à la pose/au retrait d’affiches en lien avec celle-ci, les réactions hostiles d’une partie de notre communauté envers cet événement et la gêne perçue, les insultes proférées durant la manifestation envers au moins un membre du personnel EPFL, l’annulation d’un cours en raison de la situation en bâtiment SG et l'insistance d’une partie des occupants à vouloir rester malgré les demandes répétées nous font craindre une dégradation incontrôlable de la situation.
En conséquence, nous ne tolérerons plus de manifestations non autorisées ni d’occupation dans les bâtiments EPFL. Les contrevenants seront identifiés et pourraient se voir exposés à des procédures judiciaires et des sanctions disciplinaires; des évacuations immédiates seront entreprises.
Nous comprenons que cette position peut frustrer : nous sommes « votre » EPFL, et pourtant, nous ne défendons pas votre position ! C’est parce que nous sommes aussi l’EPFL de plusieurs milliers d’étudiants, chercheuses et chercheurs, employé.es aux positions parfois divergentes mais qui, nous l’espérons, partagent ce sens du vivre-ensemble et les valeurs d’échange et de dialogue.
Nous sommes en train d’organiser une séance d'information et de discussion ouverte à toute la communauté ("town hall"), qui se tiendra la semaine prochaine afin de vous écouter et de dialoguer avec vous (les détails suivront). Nous continuons d’ici là à recevoir toutes celles et ceux qui nous en font la demande. Nous mettrons également en place d’autres espaces ou moments de dialogue sur le campus. Nous nous sommes également engagés à analyser nos accords avec des universités partenaires israéliennes d’ici l’été (d’autres informations figurent dans le détail des conclusions de la rencontre avec des représentants du mouvement pro-palestinien).
Nous espérons que le sens du vivre-ensemble et les valeurs d’échange et de dialogue puissent prendre le pas sur les divergences politiques, malgré le caractère dramatique des événements touchant Israël et les territoires palestiniens occupés. Au fil des années, c’est ce qui a fait de l’EPFL un lieu exceptionnel, vivant et animé d’une énergie positive sans pareil. Toutes vos idées pour renforcer encore le campus au moment où il est fragilisé sont les bienvenues et je me réjouis de vous voir à l’occasion du town hall.